En avril 2015, le Français Pierre Stark rachète la société Nally, qui abrite la marque iconique Benamôr. Son ambition : relancer cette référence mythique. Aujourd’hui, l’entreprise portugaise affiche un chiffre d’affaires de dix millions d’euros et vend ses produits dans plus de trente pays.
Il a la cinquantaine sportive. Une voix calme, mais une énergie d’ogre. Responsable du marketing international chez L’Oréal pendant près de deux décennies, pour dix-neuf marques du groupe, rien ne le prédestinait au redéploiement de la crème miraculeuse. En 1994, il est en vacances à Guincho et surfe sur les immenses rouleaux de l’Atlantique avec une jouissance absolue. Hasard de la vie, L’Oréal lui propose une expatriation de trois ans à Hong-Kong ou au Portugal au début des années 2000. Il opte pour Lisbonne, à 20 minutes des plages venteuses de windsurf.
Attentif, Pierre – sans aucun lien de famille avec le designer industriel Philippe Starck – contemple le Portugal, ce territoire du bout du continent, teintée d’Amérique du Sud, saupoudré d’exotisme, mais si cloisonné socialement. Un XXe siècle hors du temps. En 2011, il doit choisir : rentrer en France ou quitter L’Oréal. Sa seconde fille vient de naître, il empoche le chèque et pose son ordinateur dans le bureau de son épouse à Lisbonne. Une amie, Catarina Portas, créatrice de la marque A Vida Portuguesa lui vante les mérites et le succès d’un petit tube d’aluminium au packaging suranné, inspiré des formes géométriques des années 1930 et dont la composition a été élaboré par un apothicaire de la rua Augusta à Lisbonne. Ses deux mots préférés surgissent comme une évidence : Fantástico ! Espectacular !
Le propriétaire de la marque est un octogénaire, sa société agonise depuis la fin des années 1980, mais pas question de lâcher le morceau.
Il faudra de l’humilité et beaucoup de patience, 36 mois exactement, aux deux associés – Pierre Stark, le français marié à une portugaise et Filipe Serzedelo, le portugais marié à une française – pour convaincre la famille qui se déchire. Pierre connaît le monde des cosmétiques, il sait que la Belle endormie a de vraies ressources.
Les formules d’origine sont conservées, les parabènes retirés, le packaging revisité. De Campo Grande, l’usine déménage à Alenquer, pour produire non plus quatre, mais cent vingt quatre références. Repositionnée dans le circuit sélectif des 35-55 ans, sans trahir son ADN, Benamôr s’exporte dans le monde entier, avec une percée spectaculaire en Corée, et emploie cent salariés. « J’ai développé une certaine humilité. La France n’a rien à imposer aux autres. Il faut être perméable aux mélanges », dit-il en clignant des yeux. Avec 130 points de vente au Portugal, dont huit en propre et 30 % de vente à l’expor-tation, Pierre et Filipe ont remis au goût du jour le passé prestigieux de la marque aujourd’hui en pleine expansion.
• YETTY HAGENDORF